Speech of the Chairperson of the UNION to the PFA, 31 October 2017

(In French only)

Conseil d’administration
Session 331 octobre-novembre 2017

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames, Messieurs les délégués,
Cher(e)s collègues,

J’ai l’honneur de m’adresser à vous aujourd’hui en tant que Présidente élue du Syndicat du personnel de l’OIT, lequel représente près de 70 pour cent des membres du personnel. C’est une grande opportunité pour moi de vous faire part des relations professionnelles, du moral du personnel et de sa position vis-à-vis des sujets portés à l’ordre du jour du Conseil d’administration.

Deux documents ont particulièrement retenu son attention : la stratégie en matière de ressources humaines pour les cinq ans à venir (document PFA/13) et les décisions prises par la CFPI au sujet de l’indice d’ajustement de poste à Genève (document PFA/16(rev)).
Le premier document se nomme «Agilité, mobilisation, efficience ». Un tel titre n’a pu qu’interpeller les représentants du personnel qui ont été extrêmement intéressés par la stratégie à long terme élaborée par le Département des ressources humaines car comme chacun sait la valeur d’une organisation se mesure bien souvent à la compétence et la motivation du personnel, mais aussi à son bien-être, pour l’aider à atteindre ses objectifs. Ils en ont donc pris bonne note et saisissent l’occasion de vous faire part de leur position sur quelques thèmes évoqués ayant des conséquences directes sur les conditions de travail du personnel.

Le Syndicat du personnel se réjouit de noter que le bureau a à cœur de « pouvoir attirer, valoriser, mobiliser et » surtout «conserver » son personnel mais, il espère surtout que ces bonnes intentions ne soient pas uniquement une stratégie sur papier et qu’elles soient suivies d’effets concrets au bénéfice du personnel. Il souhaite aussi que « l’agilité », terme décidément très tendance, ne porte pas atteinte à la sécurité d’emploi. Il sera donc particulièrement vigilant à ce que, d’une part, le personnel maintienne ses droits acquis en matière de contrats à durée indéterminée et que, d’autre part, les collègues travaillant sur des projets de coopération au développement ne soient plus considérés comme des valeurs d’ajustement au gré des besoins de l’organisation. Ces collègues qui constituent maintenant 40 % de la main d’œuvre de l’organisation, ont droit, non seulement à des contrats d’une durée égale à la durée des projets pour lesquels ils sont embauchés mais aussi à une véritable perspective de carrière et d’intégration dans l’organisation dès lors qu’ils ont contribué à ses objectifs. Ceci bien entendu fait l’objet de discussion dans le cadre des négociations sur une nouvelle politique des contrats qui est toujours en cours.

Concernant le recrutement et la sélection du personnel, le Syndicat du personnel a deux remarques à faire :
– Premièrement, il souscrit à la nécessité pour l’organisation d’assurer la diversité de son personnel mais souhaite que cette diversité ne soit pas seulement axée sur la diversité géographique ou la proportion hommes-femmes. La diversité signifie bien plus que cela et il faut également considérer une meilleure intégration des personnes avec un handicap physique ou mental. Il souhaite surtout que cette question s’inscrive dans le cadre des règles existantes dans le Statut du personnel et ne soit pas sujette à des pratiques internes ad hoc, qui génèrent de nombreux problèmes d’équité et de justice et participent à la recrudescence des recours légaux qui ne sont jamais dans l’intérêt de l’organisation. Si les règles doivent être changées, le syndicat est prêt à s’asseoir à nouveau à la table de négociation. Dans ce cadre il réitèrera, l’absolue nécessité pour l’organisation d’ instaurer un programme exhaustif d’identification, de recrutement, d’intégration et d’accompagnement des jeunes ressortissants de tous les pays, notamment ceux des pays peu ou pas représentés afin qu’ils ou elles puissent envisager sereinement, de façon pérenne mais surtout légitimement, leur carrière au sein de l’ Organisation.
– La deuxième remarque porte sur les objectifs présentés au paragraphe 19 du document. Le Syndicat note que tout doit désormais être quantifié depuis l’invasion de la société privée chargée de la révision des processus administratifs (communément appelée BPR). Or, pour être un témoin régulier attentif et participatif des procédures de recrutement et sélection, le Syndicat se demande bien d’où les chiffres présentés peuvent bien provenir ? Les ressources humaines et financières allouées au service de recrutement de l’OIT sont si faibles, voire même éparses, qu’il est à prévoir que ces objectifs – pour être atteints – incluront inexorablement une surcharge de travail au détriment du personnel. Il ne s’agit pas seulement de rationaliser à tout prix mais de pouvoir, dans une Organisation qui doit être un modèle, recruter ou sélectionner la personne la plus appropriée dans chaque service ou Bureau dans le monde et ce processus ne peut pas être réduit à la portion congrue. Le « vite fait, bien fait » ne peux s’appliquer lorsqu’on recherche la qualité que requiert le recrutement et la sélection de notre personnel.

Ce document se réfère également, à plusieurs reprises, à la nécessité pour le personnel de bénéficier d’un environnement sain et de bonnes conditions de travail. Tous les collègues que je représente auraient certainement beaucoup d’expériences individuelles ou collectives à partager en ce qui concerne leur quotidien au sein de cette organisation, où la pression se fait de plus en plus vive, où ils doivent reporter à la demi-heure près l’état de leurs tâches, où le personnel de la catégorie des services généraux se retrouvent à exécuter 4 ou 5 fonctions en même temps, en particulier sur le terrain où certains se retrouvent à diriger à des grades inadéquats des Bureaux entiers en l’absence du directeur et des spécialistes, noyés sous les missions dans les pays avoisinants. Ce dernier constat a des conséquences non négligeables sur la capacité d’agir et l’indépendance de l’organisation à servir ses mandants. Je ne peux pas non plus passer sous silence les conditions de travail de nos collègues travaillant sur des projets de coopération au développement, pour certains envoyés dans des états dits fragiles parfois sans les minimum requis en matière de sécurité pour raisons d’économie, pour d’autres, leurs contrats d’emploi renouvelés mois par mois, ne sachant pas de quoi sera fait leur avenir professionnel. Faire plus avec moins, supprimer les postes lors des départs à la retraite, recourir à la sous-traitance dans certains domaines déjà exsangues comme celui de la sécurité, propager l’incertitude et la frustration, tout cela à un coût en termes de santé et entame le moral du personnel provoquant des maladies professionnelles en augmentation constante. Est-ce cela que l’organisation souhaite pour son personnel alors qu’elle est sur le point de célébrer son centenaire ? L’avenir du travail au sein même de l’OIT est-il moins important qu’ailleurs ? L’Organisation devrait se pencher sur les économies qui coûtent plus d’argent qu’elles n’en font gagner.

Le Syndicat relève également la question de la gouvernance interne dont l’Administration semble se satisfaire. Les représentants du personnel estiment qu’il est prématuré de dire – comme cela est indiqué au paragraphe 12 du document 331/PFA/13– que «beaucoup a été fait pour améliorer la gouvernance interne et asseoir le principe de responsabilité ». Beaucoup reste à faire en ce qui concerne la transparence et la responsabilité en cas d’inconduite, afin d’augmenter le niveau de confiance du personnel en ce qui concerne les décisions de l’Administration dans ce domaine. La tolérance zéro, si souvent évoquée dans ces murs, ne peut raisonnablement se baser sur une approche parcellaire, manichéenne et désolidarisée d’une vision claire d’un cadre général de responsabilité. Le Syndicat souhaite, que l’Organisation, dans son intérêt et celui de son personnel, se dote d’un système exhaustif et cohérent, avec des lignes directrices et des procédures, où les protagonistes puissent être assurés qu’ils seront traités équitablement, quel que soit leur niveau hiérarchique, et que leurs droits seront respectés, ceci à la hauteur du Cadre relatif à sa responsabilité dont elle s’est dotée en 2010 et à la hauteur des autres organisations du système des Nations Unies.
Je ne peux pas évidemment clore mes commentaires sur ce document des ressources humaines sans aborder une question cruciale pour les représentants du personnel: et le dialogue social dans tout ça ? Il faut attendre l’avant-dernière page du document essentiellement centré sur les questions de personnel pour lire le mot « Syndicat » et pour découvrir que celui-ci appartient à la catégorie des « synergies et des questions transversales ».

C’est finalement une bonne nouvelle, au lieu d’être nulle part, le Syndicat sera partout !

En tous cas c’est l’interprétation qu’en font les représentants du personnel et ils seront naturellement prêts pour toutes les futures discussions, consultations négociations qui auront lieu dans le cadre formel du Comité de négociation paritaire sur tous les sujets abordés dans cette stratégie quinquennale, ceci afin d’honorer la formulation du paragraphe 27 du document mentionnant un cadre de travail favorable et des relations professionnelles harmonieuses.

Permettez-moi maintenant, Mesdames et Messieurs les délégués d’aborder plus spécifiquement le dernier document mais non le moindre, le document PFA/16(rev) sur lequel vous aurez probablement à vous prononcer. Vous n’êtes pas sans savoir qu’une des particularités de la fonction publique internationale réside dans la dualité de la détermination de ses conditions d’emploi et de travail. Certains éléments peuvent être déterminés au sein de chaque organisation dans un cadre plus ou moins élaboré de de négociation mais, en matière de traitements et d’indemnités, c’est la Commission de la Fonction publique internationale (CFPI) qui, par délégation volontaire d’autorité de chaque organisation, est désignée comme organe compétent. C’est ce qu’on appelle le « régime commun des Nations unies ».

Je ne vais pas revenir sur l’ensemble des évènements car six mois de lutte – comprenant des manifestations massives et des arrêts de travail, soutenues par des pétitions mondiales et des actions de solidarité venant des lieux d’affectations les plus reculés sur le terrain – ne peuvent être résumés en quelques minutes. Cependant, je peux vous exposer ce que, à l’heure actuelle et à la lumière des nouveaux développements, le personnel n’est toujours pas prêt à accepter. Ne vous méprenez surtout pas sur la finalité de ces actions. Ce n’est pas un combat isolé de fonctionnaires nantis décidés coûte que coûte à conserver leur salaire à n’importe quel prix dans une ville siège. Les fonctionnaires de l’OIT sont des personnes responsables et engagées, prêtes à accepter des décisions relatives à leurs conditions d’emploi, pour autant qu’elles soient étayées, justifiées et équitables. C’est un combat pour la probité, c’est un combat pour le sérieux et la fiabilité des analyses. C’est un combat qu’ils croient fondé et juste pour que leurs salaires soient déterminés selon des enquêtes basées sur des critères mesurables et transparents, en accord avec les réalités nationales où ils sont basés et dont les résultats ne contiendraient pas, comme ce c’est le cas par exemple dans l’enquête des salaires pour Genève en 2016, plus de 50 erreurs avérées. C’est un combat global de l’ensemble du personnel des Nations unies, qu’il soit basé à Nairobi, Jakarta, Haïti, Addis Abeba ou Bangkok, qui souffre depuis des années de l’absence de transparence et de précisions techniques dans les enquêtes salariales et finalement de l’absence de responsabilité et de redevabilité de l’Organe qui les conduit.

J’en veux pour preuve à l’appui la session de la CFPI de Juillet 2017. Celle-ci était destinée à clarifier un certain nombre d’éléments, apaiser les esprits, dans l’espoir de remettre les chiffres dans le bon sens et permettre aux représentants du personnel de repartir, convaincus que la bonne foi, la fiabilité et la compétence étaient bien les piliers sur lesquels ils pouvaient se reposer en confiant à la CFPI la détermination de leurs salaires.

Pour y avoir assisté personnellement ce fut loin d’être le cas. Ce fut pitoyable à bien des égards. Au-delà des données les plus farfelues pour justifier une baisse soudaine de salaire de près de 8 %, les représentants du personnel ont été témoins avec effarement du mépris et de l’arrogance exprimés sans ménagement envers les plus hautes instances représentant les Nations Unies et envers de grandes fédérations syndicales mondiales, qui, alertées par la gravité de la situation avaient offert un espace de dialogue et dont les missives transmises n’ont même pas été lues. Ils ont été indignés par la teneur et la forme des débats et la pauvreté de l’argumentation technique. La méthodologie n’a jamais été remise en cause par l’entité qui la met en œuvre. La méfiance et la colère du personnel envers cette Commission a encore été démultipliée en apprenant que les recommandations prises à cette session, qui pouvaient sembler positives pour le personnel, n’étaient basées sur aucune argumentation fondée techniquement, (la décision unilatérale par exemple de réinsérer provisoirement un coussin d’amortissement à un taux arbitraire apparait en fait comme un cadeau provisoire afin de calmer le personnel) et ne règleraient en aucun cas le problème de base qui est la méthodologie et la façon dont les calculs sont faits à long terme. Dans sa décision de juillet, la CFPI s’engage à ce que la méthodologie soit examinée et que des discussions aient lieu entre toutes les parties prenantes. Nous venons d’ailleurs d’apprendre que d’autres organisations du système des Nations Unies ont choisi récemment de reporter leur décision lorsque des informations à jour leur permettront de prendre une décision éclairée. Le personnel de l’OIT compte sur la sagesse des membres du Conseil d’administration afin de faire de même car il estime qu’il est prématuré, voire même risqué, à l’heure actuelle de prendre une quelconque décision sur ce sujet. Il est absolument nécessaire de laisser le temps à la discussion – à laquelle d’ailleurs devraient impérativement participer les représentants du personnel, de réexaminer cette méthodologie et d’avoir des éléments fiables pour une détermination juste des salaires du personnel basé à Genève et par ricochet sur les autre villes sièges.

En ma capacité de représentante du personnel, je me dois de vous informer Mesdames et Messieurs les délégués, que si tel n’était pas le cas, la confiance serait définitivement rompue et le personnel du BIT plus que jamais déterminé à contester par tous les moyens toute décision techniquement infondée ,et devant les tribunaux s’il le faut, comme ont commencé à le faire nos collègues du Secrétariat des Nations Unies et d’autres organisations puisque plus de 250 recours juridiques ont déjà été déposés au greffe du tribunal administratif de l’ONU et d’autres sont attendus.

Je réitère que certaines économies peuvent coûter plus d’argent qu’elles n’en font gagner. Il faut donc penser à long terme et évaluer les possibles pertes.

Ce lamentable épisode a en tout cas mis en lumière une évidence : aucun mécanisme de négociation collective n’existe au niveau global des Nations Unies. Aujourd’hui, les salaires de 60 000 fonctionnaires internationaux, sont déterminés grâce à des méthodologies très complexes certes, mais surtout très opaques et ne sont pas négociés. Les évènements survenus pendant le premier semestre de 2017 , n’ont fait que confirmer la conviction de l’ensemble du personnel des Nations unies (sièges et terrain compris) que l’ONU ne pouvait plus , dans le contexte de réforme qui s’annonce , se permettre de conserver en son sein une institution telle qu’existante, agissant avec des méthodes du XVIIe siècle et dont la fiabilité et la crédibilité s’effritent de jour en jour devenant de plus en plus problématiques non seulement pour le personnel mais bien entendu pour les institutions elles-mêmes. Il y a donc une urgente nécessité de réformer les méthodes de travail de la CFPI et d’instaurer un cadre formel de relations professionnelles crédible au sein des Nations Unies. Il en va de sa réputation et nul doute que l’OIT devra jouer son rôle dans ce processus de réforme.

Je vous remercie,
Catherine Comte-Tiberghien

31.10. 2017