Discours de la Présidente du Syndicat du personnel, à la 329ème session du Conseil d’administration, mars 2017

Conseil d’administration du BIT, PFA, 15 mars 2017
Déclaration de la présidente du Comité du Syndicat
du personnel

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames, Messieurs les délégués,
Cher(e)s collègues,
J’ai l’honneur de m’adresser à vous aujourd’hui en tant que présidente élue du Comité du Syndicat du personnel de l’OIT, lequel représente environ 70 pour cent de l’ensemble des fonctionnaires, toutes catégories confondues.
Ceux qui m’ont déjà entendue à cette tribune, surtout lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts et les droits du personnel ou de faire état du non-respect des mécanismes de consultation avec celui-ci, savent à quel point mes propos peuvent être parfois véhéments.
Mais il est aussi de mon devoir de vous informer lorsque les choses se passent de manière positive. Je veux croire que la persévérance et la ténacité avec lesquelles le Syndicat a martelé la nécessité d’avoir un cadre de relations professionnelles dans lequel le dialogue et la négociation sont à la hauteur de ses principes fondamentaux y sont pour quelque chose. Il est indéniable que le ferme engagement que notre Directeur général, M. Guy Ryder, a réitéré en faveur d’un mécanisme solide et pérenne d’information, de consultation et de négociation contribue grandement à maintenir un climat social pour le moment rassurant.

C’est en tout cas ce que l’ensemble des représentants du Comité du Syndicat du personnel (au siège comme sur le terrain) ont perçu lors de leur rencontre bisannuelle avec lui.
Lors de cette réunion, aucun des sujets faisant l’objet des préoccupations du personnel n’a été considéré comme tabou. Les réponses apportées aux questions posées ont démontré que le Directeur général s’était engagé soit à en discuter plus en détail, soit à réaffirmer certains principes fondamentaux. Les représentants du personnel ont accueilli favorablement ces réaffirmations, indispensables pour maintenir la confiance et des discussions de bonne foi entre partenaires sociaux, telles que la nécessité de ne pas admettre de processus de consultation parallèle et de se référer au cadre institutionnel négocié en se basant, dans la mesure du possible, sur les réalités existantes. Nous avons donc eu l’engagement du Directeur général selon lequel lui-même ainsi que les personnes chargées de le représenter dans le cadre des négociations agiront toujours dans cet esprit de collaboration.
Cela étant, le Syndicat du personnel pense qu’il est important de porter à votre connaissance certaines des préoccupations que j’ai mentionnées, dans la mesure où elles sont liées, directement ou indirectement, aux décisions et recommandations prises au sein du Conseil d’administration.
La première préoccupation concerne la charge de travail. Vous n’êtes pas sans savoir que, au cours des cinq dernières années, le personnel, au siège comme sur le terrain, a connu plusieurs réformes successives. Bien que ces réformes aient été considérées comme nécessaires, elles ont eu un impact important sur le personnel, qui a payé un lourd tribut. Le temps qui est alloué à ces procédures l’est au détriment du temps nécessaire aux tâches permettant de servir les mandants. La course à la rationalisation qui a commencé afin de permettre que toutes les tâches soient accomplies a augmenté le sentiment de stress du personnel de façon significative. Cet état de fait est particulièrement criant dans certains bureaux sur le terrain et, je le rappelle, affecte les tâches principales à accomplir à la demande des mandants. Par ailleurs, certains programmes ou initiatives phares, là encore plus que nécessaires à la visibilité de l’Organisation, n’ont pas reçu des moyens humains et financiers proportionnels à la quantité et à la qualité du travail à fournir. Le Syndicat affirme que certains de nos collègues sont arrivés à leur point de rupture pour accomplir leur travail et constate avec une inquiétude grandissante, tout comme les services médicaux et les services de l’assistance sociale, une augmentation du stress lié au travail dans un climat peu propice à l’accomplissement serein et optimal des tâches. L’urgence devient la règle, et «faire plus avec moins» est un dictat permanent.
Cette situation préoccupante n’est souhaitable ni pour l’Organisation ni pour le personnel. A cet égard, les représentants du personnel suivent de très près les discussions qui ont lieu au sein de la Commission de la fonction publique internationale sur les différentes catégories de personnel en poste sur le terrain, discussions qui auront forcément des répercussions sur l’actuel processus de classification des emplois au BIT. Il est impératif que les programmes soient pensés en fonction des réalités existantes et que des priorités soient fixées.
La deuxième préoccupation du personnel est la sécurité. Tout en saluant les nombreuses mesures déjà prises par l’administration en vue de développer les outils et formations nécessaires pour garantir la sécurité de nos collègues sur le terrain, une clarification doit être faite auprès du personnel travaillant dans les pays à haut risque dits «fragiles». L’OIT n’étant pas un organisme purement humanitaire, lorsque sa présence est nécessaire, des mesures supplémentaires doivent être prises pour donner l’assurance que tout le personnel, indépendamment du grade, du type de contrat ou du statut (local ou international), a le droit d’être protégé ou évacué de manière équitable. Cette assurance permet au personnel d’accomplir sa mission sans crainte, et donc de manière plus efficace. Là encore, les programmes, les priorités et les moyens accordés doivent tenir compte des réalités du terrain.
La troisième préoccupation, et non des moindres, concerne la bonne gouvernance et son corollaire, à savoir la nécessaire responsabilité des fonctionnaires en cas de mauvaise conduite ou manquement. Tout en soutenant et reconnaissant les mérites du concept de «tolérance zéro» en cas de faute, le Syndicat du personnel a cependant demandé que des nouvelles règles internes, applicables à tous les fonctionnaires de l’Organisation, soient mises en place d’urgence pour prévenir tout comportement en contradiction avec les normes de conduite des fonctionnaires internationaux. Cette politique de «tolérance zéro» doit être appliquée de manière transparente et égale quel que soit le grade du fonctionnaire et de manière proportionnelle au manquement constaté. Il serait fort dommageable que le célèbre adage de La Fontaine «Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir» s’applique au sein de notre Organisation, qui doit demeurer une référence dans le monde du travail.
Abordons maintenant, si vous le voulez bien, les documents soumis pour votre information ou approbation. Comme je vous l’ai mentionné au début de mon intervention, les documents portés à votre connaissance ayant des conséquences sur les conditions d’emploi ou de travail du personnel ont fait l’objet d’information, de consultation ou de négociation dans les structures appropriées de dialogue social. C’est un fait que nous tenons à souligner tout en souhaitant que ces bonnes pratiques perdurent aussi longtemps que l’existence de notre Organisation. Bien entendu, les discussions ne signifient pas que nous soyons d’accord, mais l’espace et le temps accordés au dialogue ont été suffisants pour résoudre certains points de divergence à la satisfaction des parties engagées.
Certains de ces points ont déjà fait l’objet d’une discussion avant mon intervention, mais le Syndicat considère qu’il est important de partager avec vous les points suivants.
Le document 329/PFA/3 sur l’état d’avancement du projet de rénovation du bâtiment du siège mentionne, au paragraphe 15, le début de la recherche de «locataires susceptibles d’occuper les espaces rénovés qui seront disponibles». Le Syndicat du personnel attire l’attention des membres du Conseil d’administration sur le fait que l’actuelle phase II de relocalisation du personnel ne s’est pas faite de manière aussi tranquille que le document le laisse supposer et que des problèmes d’espace demeurent. Les décisions prises dans ce domaine ne peuvent être exclusivement basées sur des considérations mercantiles et prises au détriment des conditions de travail du personnel, qui doit toujours fournir un travail de haute qualité. La qualité demandée requiert des moyens. En d’autres termes, il faut faire attention aux économies réalisées sur le dos du personnel, qui pourraient au final coûter très cher.
En outre, le paragraphe 10 du même document mentionne des formations pour les équipes de maintenance, mais il est également essentiel que l’ensemble du personnel reçoive l’information et la formation nécessaires suite à la nouvelle configuration de son environnement de travail pour ce qui est des consignes d’hygiène, de sécurité, de santé et de sûreté.
Le Syndicat a également été consulté à propos du document 329/PFA/4, qui fait le point sur l’assurance-maladie après la cessation de service. Il a pris note de l’avancement des discussions au sein du Groupe de travail interinstitutions des Nations Unies, mais souhaite informer le Conseil d’administration qu’il continuera de suivre les travaux de ce groupe avec la plus grande attention afin que les droits acquis des fonctionnaires après leur cessation de service soient protégés et que ceux-ci ne deviennent pas des apatrides sans couverture sociale, après avoir accompli toute leur carrière au sein de la famille des Nations Unies.
Ce même document fait le point sur l’actuelle caisse d’assurance-maladie de l’OIT. Les représentants du personnel saluent les efforts réalisés par l’administration depuis l’année passée pour améliorer les services aux assurés et notent avec satisfaction la réduction quasi générale des délais de remboursement. Ils ont également accueilli favorablement les mesures prises pour renforcer la prévention, mesures réclamées initialement et de longue date par les représentants des assurés au sein du Comité de gestion de la caisse. Ils sont aussi très motivés par l’autre groupe de travail établi et consacré à la gouvernance de la caisse, dont le document ne fait aucune mention mais dont l’importance est égale à celui consacré à la maîtrise des coûts. Ils sont par contre très inquiets de l’initiative, prise par le Directeur général, de faire appel aux services d’experts extérieurs parallèlement aux recommandations d’un groupe de travail interne. Pour les avoir rencontrés, le Syndicat du personnel craint de sérieux conflits d’intérêts et un mépris évident des termes de référence de cet appel visant à respecter les caractéristiques essentielles de la couverture offerte aux assurés par la caisse, à savoir son caractère universel, le libre choix des soins et une maîtrise raisonnée de l’équilibre entre cotisations et prestations.
Vous n’imaginez pas combien le personnel est attaché à cette caisse d’assurance maladie, même si parfois elle lui donne du fil à retordre. De plus, au regard des expériences malheureuses croissantes au sein d’autres institutions du système des Nations Unies dans ce domaine, il est clair que le personnel est prêt à défendre le statut actuel de sa caisse, si besoin en était, face aux grands groupes qui rôdent autour tels des requins affamés.
Le document 329/PFA/10 mentionne des amendements au Statut du personnel ayant des répercussions importantes sur les conditions d’emploi. Je confirme que ce document a également fait l’objet de nombreuses et longues discussions entre l’administration et les représentants du personnel.
La première partie modifie les indemnités pour frais d’études du personnel international suite aux décisions prises par l’Assemblée générale des Nations Unies sur l’ensemble des prestations, communément appelé le «compensation package». Je ne reviendrai pas sur les divergences de vues entre l’administration des Nations Unies et l’ensemble de son personnel, institutions spécialisées comprises. Le personnel a d’ailleurs entrepris un certain nombre de recours légaux dont les résultats seront portés à la connaissance de tous.
Concernant précisément ces changements de barème de remboursement des frais d’études, et les économies qu’ils permettront de réaliser, le Syndicat a expressément demandé que ces ressources soient réinjectées dans des activités uniquement réservées au personnel concerné et ne soient pas une fois de plus consacrées à des activités contribuant à restreindre sa capacité de travailler décemment, notamment sur le terrain.
La seconde partie du document permet la mise en œuvre d’une autre décision de l’Assemblée générale instaurant l’âge de la retraite pour tous à 65 ans, tout en conservant les droits acquis par les fonctionnaires à leur entrée en fonctions. De nombreuses discussions, aussi longues qu’animées, ont eu lieu entre l’administration et le Syndicat afin de trouver un juste équilibre entre les volontés des deux parties, à savoir promouvoir l’emploi des jeunes tout en se donnant la possibilité de garder le savoir-faire et les compétences essentiels pour l’Organisation, mieux planifier la main-d’œuvre et ainsi éviter le recours abusif à des fonctionnaires retraités au détriment des jeunes talents, garantir une application juste des règles et la prise en compte de certaines situations humanitaires. Cet exercice d’équilibriste est arrivé à son terme, à la satisfaction raisonnable des représentants du personnel.
J’en arrive finalement au document 329/PFA/11/1 qui fait état de l’avancement des discussions avec l’Office européen des brevets (OEB) concernant les mesures à envisager pour alléger la charge de travail du Tribunal. Je me dois d’attirer l’attention du Conseil d’administration sur le fait que, malgré les informations figurant dans ce document en faveur d’une amélioration du dialogue au sein de cet organisme, le Syndicat du personnel a reçu des communications assez alarmantes de la part d’une partie des représentants du personnel de l’OEB qui laissent penser qu’un climat délétère règne en son sein. N’ayant pas accès à ce forum, ces représentants du personnel m’ont demandé de plaider en leur faveur afin que toute décision prise concernant le Tribunal ne se traduise pas par une dénégation de leurs droits juridictionnels – le Tribunal étant le seul recours possible pour le personnel concerné. En outre, la situation à laquelle nos collègues de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) sont confrontés depuis de nombreuses années n’est pas non plus acceptable dans un système tel que celui des Nations Unies.
Ce dernier sujet me permet de conclure en renforçant mes propos introductifs et de souligner combien un climat favorable au dialogue social constitue une valeur ajoutée dans des organisations telles que la nôtre. Un personnel non associé aux décisions, non écouté lorsqu’il s’agit de ses conditions d’emploi ou de travail, donnera rarement le meilleur de lui même et l’institution en subira les conséquences, qui ne peuvent être que négatives.
Heureusement, ce n’est pas le cas de l’OIT actuellement, et nous pouvons être fiers de notre Organisation qui honore en tout cas une partie de son mandat en créant les conditions nécessaires à un dialogue social interne, vivant certes, mais sain.
Je vous remercie pour votre attention.
Catherine Comte-Tiberghien